9 novembre 2016, Hôtel Hilton, Québec
Jean Garon
Jean Garon a profondément marqué l’agriculture et l’agroalimentaire québécois.
Il s’était donné comme objectifs :
- D’augmenter l’autosuffisance alimentaire des Québécois en développant une production agroalimentaire de qualité et diversifiée.
- D’assurer le mieux-être et la prospérité de ceux qui y travaillent ;
- D’augmenter la richesse collective des Québécois et Québécoises en exploitant le plein potentiel de notre agriculture et de notre industrie agroalimentaire
On lui doit notamment la Loi sur la protection du territoire agricole. Cette loi, dont nous célébrons très précisément aujourd’hui, 9 novembre, le 38e anniversaire, en a fait un personnage quasi mythique et le grand protecteur de l’intégrité de notre territoire agricole.
Bon nombre d’agriculteurs le considèrent comme le meilleur ministre de l’Agriculture des cinquante dernières années et le principal artisan de politiques audacieuses qui voulaient soutenir et renforcer l’agroalimentaire québécois.
L’institut Jean-Garon
La création de l’institut qui porte maintenant son nom veut, bien sûr, lui rendre hommage. Mais elle veut d’abord et surtout perpétuer l’esprit qui l’animait.
Sauf là où les analyses nous font encore défaut, le but de l’Institut n’est pas de faire de la recherche et de se substituer aux universités et centres de recherche. L’Institut n’est pas non plus une organisation partisane vouée à des causes politiques ou à la défense d’intérêts particuliers. L’Institut se veut essentiellement un lieu de débats où tous les Québécois qui s’intéressent à l’agriculture viendront discuter et définir les lignes de force qui sont nécessaires pour nous donner un secteur agroalimentaire à la mesure de la société que nous souhaitons bâtir. Un lieu où on forgera des orientations et des consensus.
Annoncé en décembre 2015, cet Institut est maintenant opérationnel, s’est donné des structures et outils de gouvernance et a identifié les problématiques sur lesquelles il entend travailler dans les mois qui viennent.
L’Institut est un organisme sans but lucratif qui a pour mission, dans la perspective qui a toujours guidé Jean Garon, de contribuer activement à la définition et l’évolution des politiques agroalimentaires :
- En analysant et, le cas échéant, en soutenant les recherches qui permettent d’examiner objectivement les problématiques stratégiques qui confrontent le secteur agroalimentaire ;
- En développant les solutions qui servent le mieux l’intérêt public.
- En diffusant les résultats de ses recherches et travaux ;
- En soutenant les réflexions et débats qui peuvent faire progresser le secteur ;
Dans l’accomplissement de sa mission, l’Institut entend devenir le carrefour de choix où se rencontreront, au-delà des intérêts particuliers, tous les Québécois qui ont à cœur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire et qui sont prêts à y contribuer. La conférence de presse d’aujourd’hui se veut donc fondamentalement une invitation pressante à participer de façon transparente aux débats de fond qui interpellent l’agroalimentaire.
L’Institut, rappelons-le, est non partisan et indépendant de tout intérêt particulier ou politique. La conduite des affaires de l’institut est guidée par ses valeurs fondamentales qui sont l’objectivité, la rigueur intellectuelle, l’intégrité, la transparence et le respect des autres.
Mécanismes de gouvernance
L’Institut travaille sous l’autorité d’un conseil d’administration de sept personnes dont font partie Judi et Emmanuel Garon, deux membres de la famille du ministre défunt, auxquels se joignent les trois instigateurs du projet, Guy Duval, Yan Turmine et Yannick Patelli, respectivement président, actionnaire et éditeur de La Vie agricole, Simon Bégin, ancien attaché politique de M. Garon et moi-même. M. Duval agit comme directeur général de l’Institut. J’en assume la présidence.
Le conseil d’administration s’appuiera sur trois comités (recherche, financement et communications) pour garantir la qualité des données et analyses utilisées dans les débats, permettre un financement adéquat, mais complètement indépendant et organiser auprès de larges publics une véritable vulgarisation des sujets qui seront traités. Autrement dit, nous entendons prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’objectivité des analyses, la transparence des débats et une plateforme de financement assez large pour nous mettre à l’abri des intérêts particuliers.
Nous avons d’ailleurs déjà lancé une campagne de préfinancement qui grâce à la générosité d’un groupe d’amis fondateurs nous a permis de recueillir une partie des fonds nécessaires pour lancer l’Institut. Nous les remercions chaleureusement et les assurons que les sommes qu’ils nous ont confiées seront méticuleusement investies pour développer, dans l’intérêt collectif, l’immense potentiel du secteur agroalimentaire. Cette campagne d’ailleurs, est toujours en cours et nous invitons tous ceux qui veulent appuyer les objectifs de l’Institut de participer à la campagne et d’inscrire leur nom sur la liste des amis fondateurs.
Le comité des parrains d’honneur
Afin de bien définir les débats les plus importants et les ancrer au cœur même des enjeux les plus actuels, l’Institut a aussi mis sur pied un Comité des parrains d’honneur qui réunit des personnalités d’envergure dont la contribution à la vie collective, en agroalimentaire ou dans des domaines connexes, peut être considérée comme remarquable et marquée au coin de l’intérêt public.
Ces « parrains » de l’Institut ne partagent pas nécessairement la même vision ou les mêmes points de vue. Ils ont aussi travaillé dans des univers parfois bien différents. Mais ils partagent la même passion et le même engagement : développer un modèle agroalimentaire à la mesure des besoins économiques et sociaux des Québécois. Ils aideront le Conseil d’administration à bien choisir et mieux cerner les problématiques les plus pertinentes, les priorités de recherche, les thèmes et débats qui peuvent faire avancer la réflexion ou forger des consensus. On trouvera la liste des parrains dans le dossier de presse.
Premiers thèmes et premiers débats
L’institut a choisi d’analyser en priorité quatre thèmes qui feront, pendant les mois qui viennent, l’objet d’une attention particulière ;
Premier thème : la gestion de l’offre, notamment dans l’industrie laitière.
S’il est une question qui n’a jamais cessé de faire débat au sein du monde agricole, c’est bien la gestion de l’offre. La signature de l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne relancera très certainement des débats qui ne sont pas nécessairement bien engagés, suffisamment documentés, ni assez présents dans l’espace public, en dehors, bien sûr, des milieux directement concernés.
Comment faire en sorte que la gestion de l’offre, créée par des lois publiques pour servir l’intérêt public, redevienne justement cela : un instrument de bien commun ? L’État peut-il et doit-il récupérer les responsabilités qu’il a déléguées en cette matière ?
La gestion de l’offre est menacée, tous le soulignent, mais faut-il laisser mourir un système qui permet encore, malgré ses défauts, à des milliers de petites et moyennes entreprises de résister aux forces immenses qui, partout sur la planète, poussent à la concentration des moyens de production et de la richesse ? Existe-t-il d’autres solutions aux problèmes qui lui ont donné naissance ? La question interpelle tous les Québécois.
C’est d’ailleurs pourquoi l’Institut a choisi, pour souligner son lancement, d’appuyer et de préfacer le livre : Une crise agricole au Québec / Vers la fin des fermes laitières traditionnelles au Québec ? L’institut n’endosse pas nécessairement les propos qui y sont tenus et ses membres sont tout à fait libres d’en dire ce qu’ils en pensent.
Ce livre, qui est aussi lancé aujourd’hui, est le résultat d’une démarche privée des éditions VLB et de La Vie agricole. Les réflexions qu’il met de l’avant ne peuvent que bien servir et alimenter les discussions que nous souhaitons encourager sur ce thème. Il traite des impacts économiques et sociaux d’un affaiblissement de la gestion de l’offre et dresse l’inventaire des causes qui ont mené à ses défaillances. Il nous a paru intéressant et approprié de souligner ici et aujourd’hui cette publication qui illustre fort bien les discussions collectives qui ne sont pas encore achevées.
Deuxième thème : la définition et le rôle de la ferme familiale ;
Longtemps l’assise de la société québécoise et le modèle unique d’occupation du territoire, la ferme familiale traditionnelle occupe toujours une place prépondérante dans l’agriculture québécoise, mais on ne l’a jamais précisément définie et sa réalité est éclatée, multiforme et en évolution rapide.
Nos politiques agricoles ont été historiquement conçues en fonction de ce genre de ferme, notamment lors de leur dernière grande actualisation à la fin des années 1970. Or, plusieurs entreprises empruntent aujourd’hui des modèles différents et se déclarent mal servies par le système en place.
Quels genres de fermes voulons-nous développer au Québec et pour soutenir quels objectifs stratégiques ? Quels modèles reflètent le mieux nos valeurs et nos besoins ? Lesquels assurent le mieux l’équilibre entre les impératifs économiques et sociaux de l’agriculture ? Nous sommes ici au cœur des décisions qui donneront littéralement sens et direction à la politique agricole qui nous fait encore défaut.
Troisième thème :les enjeux de gouvernance dans le monde agricole
Le partage des pouvoirs et responsabilités au sein du monde agricole a bien évolué depuis la mise en place des grandes politiques qui régissent encore le monde agroalimentaire québécois.
Ces politiques ont pu être mises en place parce qu’à un moment historique il y a eu un équilibre entre les différents centres de pouvoir, une volonté de collaborer au-delà des intérêts particuliers et une fenêtre de consensus. Or le portrait est fort différent aujourd’hui. Le monopole syndical est remis en question, notamment en ce qui a trait au contrôle des plans conjoints ; plusieurs centres de décision importants ont quitté le Québec ; le poids des grands groupes, tant au niveau de la production, de la transformation que de la distribution, est plus important que jamais et la mondialisation laisse de moins en moins de place aux gouvernances nationales ;
Dans la perspective d’un nécessaire renouveau des grandes balises qui encadrent le monde agro-alimentaire québécois, ces enjeux sont cruciaux, mais, comment les aborder alors que plusieurs semblent hors de portée ?
Quatrième thème : la sous-utilisation du territoire agricole.
La Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles aura bientôt quarante ans. Toutefois, la même question existentielle qui se posait au moment de son adoption se pose encore : comment utiliser pleinement ce territoire maintenant protégé et pourquoi le protéger s’il n’est pas utilisé ?
Les données de base ont relativement peu changé depuis 1978 : 33% du territoire habité du Québec est zoné agricole, mais à peine 50% de cette superficie est occupé par une ferme. La réalité de cette non-utilisation du territoire agricole est fort différente dans les régions métropolitaines, les régions centrales et les régions périphériques. Elle a aussi évolué avec les décennies.
Comment concilier protection du territoire agricole et mise en valeur de ce territoire ? Comment rééquilibrer le partage des responsabilités en matière d’aménagement pour vraiment donner la primauté aux activités agricoles en zone agricole ? Comment généraliser les formules s’apparentant aux banques de terre non spéculatives détenues par des pouvoirs publics et visant la mise en valeur du territoire ? Y a-t ’il lieu de favoriser le déplacement de la demande de terres vers les régions où elles sont sous-utilisées tout en balisant l’achat de grands blocs de terre par des groupes d’envergure nationale ? Si oui, comment le faire ?
Voilà donc en résumé les objectifs et modes de fonctionnement qui vous permettront de comprendre et, nous l’espérons, de partager les ambitions de l’Institut.
Plusieurs de ceux qui ont accepté d’être nos parrains d’honneurs sont avec nous aujourd’hui. Trois ont bien voulu nous dire pourquoi ils ont choisi de nous faire profiter de leurs compétences et de leur expérience. Je les remercie chaleureusement pour leur collaboration et je leur laisse la parole.
Jean Pronovost, le 9 novembre 2016