Entrevue avec Yan Turmine par Simon Bégin
L’agriculture différente n’est pas que l’affaire de micro-fermes ou de circuits courts de commercialisation. Des changements profonds sont également en cours dans l’agriculture dite conventionnelle. Mais, estime Yan Turmine, industriel de l’alimentation animale et administrateur de l’Institut Jean-Garon, ils demeurent trop timides par rapport à l’effervescence des marchés.
Quand les Walmart et les Cosco de ce monde exigent du bio sans OGM, quand le rendement d’une terre plonge après des décennies de monoculture, de labours profonds et d’épandage massif d’herbicides, les fermes conventionnelles s’adaptent. Selon Yan Turmine, « l’agro-business américain est en train de faire un virage majeur vers le bio, à vitesse grand V, tellement que les agences réglementaires ont de la misère à suivre ».
« C’est parfois tout croche mais les plus gros joueurs sont sérieux », estime celui qui reçoit des cahiers de charge de ses clients américains plus exigeants que ceux des maisons de certification officielles, qui le sont déjà beaucoup. Or, si le Québec prend lui aussi ce virage, il le fait encore trop lentement pour profiter pleinement de ce changement de cap.
Des centaines de millions sont en jeu. « Les Américains, qui sont les plus grands producteurs de maïs et de soya conventionnels au monde, achètent présentement du bio sur tous les marchés, même dans les pays émergeants, sans compter notre demande interne qui évolue elle aussi très rapidement », souligne Yan Turmine.
Au lendemain du rapport Pronovost, il y a bien eu des efforts du gouvernement pour améliorer l’aide au transfert vers le bio et les pratiques culturales moins chimiques, les Clubs-conseil en agroenvironnement se sont multipliés et des entreprises comme la sienne poussent dans cette direction. Toutefois, cela demeure encore trop timide face à l’importance et à l’urgence de l’enjeu.
Surtout, il n’y a pas de plan d’ensemble. « Dans le champ, dans l’industrie et le milieu universitaire, il se fait des choses extraordinaires pour développer les connaissances et adapter les méthodes, mais on a encore trop souvent l’impression de travailler chacun de notre côté, sans coordination », affirme Yan Turmine. Or, « ceux qui ne feront pas le virage vers le bio risquent de s’en mordre les doigts d’ici quelques années. ».
Pour lui « la prochaine politique bioalimentaire doit être l’occasion pour le gouvernement de prendre le taureau par les cornes et d’accoucher d’un vrai plan de match pour un virage à grande échelle vers le bio et les sols vivants, en concertation avec ce que le fédéral est en train de faire ».
En attendant, de belles et bonnes choses continuent à se passer dans les champs de l’agriculture conventionnelle.
Des modèles à suivre
Nous avons échangé avec Éric Lapierre, de la ferme Duhamel-Lapierre, de Durham, adepte de l’approche « sols vivants » et Pascal Pelletier, de La Pocatoise, une ferme laitière bio de La Pocatière. Ces producteurs de pointe illustrent le virage amorcé au Québec par l’agriculture dite conventionnelle dans des directions qui rejoignent les préoccupations de la CAPÉ, mais à une échelle différente.
Nous racontons leur histoire sur le site de l’Institut dédié au 10e anniversaire du rapport Pronovost. Eux aussi ont hâte de voir le « comment » des beaux discours sur la nouvelle politique bioalimentaire.
Un compte rendu plus complet de ces entretiens est disponible dans la section DOCUMENTS COMPLÉMENTAIRES AU CAHIER SPÉCIAL
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