L’agriculture que nous voulons

Une vision qui balise la route

 

Jean Pronovost, président de la CAAAQ et président fondateur de l’Institut Jean-Garon

Plusieurs ont souligné que le rapport de la Commission sur l’Avenir de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire Québécois ne définissait pas une véritable politique d’ensemble.

Ils ont tout-à-fait raison.

Ce n’était d’ailleurs pas son mandat.

Dans le communiqué[1] qui annonçait la création de la Commission, le ministre Yvon Vallières lui demandait de trouver des solutions novatrices permettant de définir une « nouvelle vision du développement durable du secteur agricole et agroalimentaire » à la mesure des défis de demain.

Les travaux de la Commission, et c’est normal, ont aussi dû tenir compte de la nature des problèmes qui lui ont été présentés et ajuster ses priorités en conséquence.  La complexité de certaines problématiques lui a aussi suggéré d’en confier l’examen à des spécialistes. L’échéancier se faisant de plus en plus pressant, elle a dû également se résigner à n’examiner que certains éléments clés des problématiques manifestement stratégiques de certains éléments, dont la transformation et le rôle des grandes chaines de distribution.

Répondant aux demandes du gouvernement, la Commission a toutefois identifié les grandes lignes de force dont devait tenir compte la politique agroalimentaire. Elle a aussi proposé des solutions aux difficultés et problèmes que lui ont confiés les citoyens concernés. Ces lignes de force et ces solutions sont toujours actuelles et identifient des ingrédients qui mettent littéralement la table pour la nouvelle politique bioalimentaire que le gouvernement nous annonce.

Le poids et le rythme des changements auxquels le secteur doit s’ajuster nous demande toutefois d’ajouter à nos préoccupations de nouveaux éléments (dont, par exemple, les changements climatiques et le manque croissant de main d’œuvre), qui étaient moins urgents il y a dix ans.

La future politique se veut « bioalimentaire » ce qui élargit aussi le débat et y installe explicitement de nouvelles dimensions (alimentation, santé, gaspillage, etc.) qui ont été peu ou pas abordées par la Commission.

En définitive, un peu à la manière d’un GPS branché sur le secteur bioalimentaire, la Commission a identifié les éléments de vision qui doivent servir de pierres d’assise à ces politiques.

Conjuguer l’agriculture au futur

Rappelons pour mémoire les attributs de l’agriculture de demain, tels que les définit la Commission[2] :

  • Une agriculture dont la raison d’être, la mission première, est de nourrir les québécois. Elle doit leur garantir un maximum d’autosuffisance, ce qui ne l’empêche pas d’offrir à d’autres les denrées qu’elle produit en surplus.
  • Une agriculture multifonctionnelle, qui définit un véritable milieu de vie, protège notre santé, crée richesse et emplois et contribue notamment à la conservation des ressources naturelles, à l’entretien du paysage rural et à l’occupation décentralisée et dynamique du territoire. L’article 104 de la Constitution suisse, fait le même constat.
  • Une agriculture résolument plurielle où cohabitent des installations dont la taille et le statut, les plans d’affaires, la gamme des produits, les méthodes de production et les clientèles sont largement diversifiés. Cette diversification est nécessaire pour bien répondre aux besoins des citoyens et donne à l’agroalimentaire une résilience qui lui permet de mieux supporter les fluctuations du marché et des prix.
  • Une agriculture entrepreneuriale constituée en majeure partie d’exploitations familiales autonomes, modernes et rentables dont le mode d’organisation présente toutes les caractéristiques de PME.
  • Une agriculture hautement professionnelle assumée par des agriculteurs et des professionnels à la fine pointe des connaissances et du savoir-faire.
  • Une agriculture durable qui répond aux besoins du présent tout en préservant la capacité des générations future de répondre aux leurs. Une agriculture qui se définit par trois éléments interdépendants : rentabilité économique, intendance environnementale et responsabilité sociale;
  • Des transformateurs qui dirigent des entreprises de petite et de moyenne taille présentes dans toutes les régions du Québec, font preuve de créativité, et se spécialisent dans des produits différenciés dont certains atteignent des volumes importants destinés à la fois au marché québécois et à l’exportation.
  • Des distributeurs diversifiés qui recherchent délibérément des produits québécois et les rendent disponibles dans les grandes chaînes d’alimentation, les marchés publics, les circuits courts de distribution et les réseaux spécialisés qui offrent des produits québécois régionaux;
  • Une agriculture qui tire profit de tout son potentiel et pour qui la nordicité est un avantage plutôt qu’un obstacle.

Les repères qui favorisent une vision mobilisatrice.

On affirme souvent que l’agriculture exprime la personnalité d’un peuple.

Par-delà les contraintes qu’imposent le climat et l’environnement biophysique, les choix de société que définissent nos politiques agroalimentaires révèlent un peu ce que nous sommes et ce qui nous distingue.

Il sera d’autant plus facile de mobiliser les Québécois sur les grands enjeux de l’agriculture et de l’agroalimentaire qu’ils percevront cette singularité de leur agriculture et s’y reconnaitront.

La Commission a donc proposé aux québécois une série de repères susceptibles de guider l’agroalimentaire tout au long d’un cheminement conçu pour favoriser leur adhésion. Il faut, avons-nous dit :

  • Affirmer notre différence, miser sur une agriculture nordique, mettre ses avantages en valeur, développer des produits de niche et des aliments à haute valeur ajoutée;
  • Stimuler et encourager la créativité. L’expansion des fromageries artisanales, l’essor des produits du terroir, la multiplication des microbrasseries et la renaissance de la culture du blé panifiable sont autant de beaux exemples de ce que nous pouvons faire;
  • Prendre appui sur la modernité des méthodes de culture et d’élevage, la productivité des établissements et la rigueur de gestion. Cultivons l’excellence et fixons-nous des objectifs exigeants ;
  • Continuer de valoriser la mise en commun et l’approche collective. Les coopératives ont su canaliser cet impératif, les offices de mise en marché l’ont fait à leur manière, et les producteurs agricoles en ont tiré d’indiscutables bénéfices;
  • Prendre les mesures nécessaires pour que les citoyens s’intéressent activement aux enjeux de l’agroalimentaire et participent activement aux débats;
  • Demander au gouvernement d’exercer un leadership renouvelé et rassembleur;
  • Réexaminer périodiquement les principales clauses du contrat social qui associe les québécois à leur agriculture.

Une vision qui nous permet de nous approprier le futur.

Certains seront sans doute tentés de ne voir dans ces éléments de vision que bonnes intentions et belles paroles. Ce qui serait nier leur énorme potentiel. Dans la mesure où ils inspirent des politiques qui donnent naissance à des actions concrètes et des objectifs mesurables, ils nous offrent la possibilité de modeler collectivement et de nous approprier le futur qui répond le mieux à nos aspirations.

Jean Pronovost, le 21 janvier 2018

[2] Rapport de la Commission sur l’Avenir de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire Québécois, pp.36-44

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