Vers la fin de la ferme laitière traditionnelle !

L’essai publié en novembre dernier par la Vie agricole, sous la signature de Yan Turmine, Yannick Patelli et moi-même, avait le même titre que celui qui coiffe cette chronique…à une différence près.  Le point d’interrogation a été remplacé par un point d’exclamation.

Nous avions craint d’être alarmistes avec notre titre, d’où le point d’interrogation. Depuis, les mauvaises nouvelles se sont tellement accumulées sur la ferme laitière traditionnelle que notre analyse de la situation s’avère douloureusement prophétique.

La crise du lait diafiltré qui a fait éclater le malaise au grand jour au printemps 2016 perdure, mais sous un jour différent, plus pernicieux. Le lait diafiltré canadien a remplacé le lait diafiltré américain au même prix de dumping qui fait la joie des grands transformateurs, mais accule bien des producteurs au désespoir.

À cause de cela, le volume des importations de lait que nous avions situé entre 15 % et 20 % du marché canadien a sans doute diminué, mais la proportion du lait livré par chaque producteur payé en deçà de ses coûts de production a explosé.

Au cours des derniers mois, le prix de référence de l’hectolitre de lait s’est en effet maintenu sous la barre des 70$, un niveau insoutenable pour un grand nombre de fermes moyennes.

L’AECG

Lorsque nous avons écrit notre essai, l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Europe avait été plus ou moins digéré par les producteurs laitiers.  Certes, on avait concédé aux Européens 2% de notre marché sous forme de quotas d’importation de fromage, mais cela se ferait de façon graduelle, serait accompagné d’aide financière dite d’ajustement et serait géré de façon responsable.

Or, le réveil a été brutal.  Le gouvernement fédéral a annoncé un vendredi après-midi du milieu de l’été qu’une partie substantielle des fameux quotas d’importation était allouée aux grandes chaînes d’alimentation.  Nous n’avions même pas envisagé ce scénario tellement il est potentiellement destructeur pour l’industrie québécoise des fromages fins.

Dans la partie qui va se jouer, la question importante est de savoir qui décide des variétés de fromage qui vont être importées.  Si cela avait été uniquement les producteurs de fromage, les géants comme Saputo et Agropur, ou les moyens comme Chalifour et Bergeron, on peut croire que ces choix ne viendront pas concurrencer les produits locaux, mais élargiront l’offre pour le plus grand bien des consommateurs.

Les grandes chaînes n’auront pas ce scrupule face à l’accès à des milliers de tonnes de camembert, suisse ou gouda offert par les Européens à des prix de dumping. On risque de voir ces grands fromages devenir des produits d’appel étalés sur la première page des circulaires du mardi pour attirer la clientèle. Les dommages à notre industrie seront majeurs alors qu’un programme bien géré aurait permis à certains joueurs de se retirer la tête haute et à tout le secteur de se consolider.

De l’inconscience ou du mépris?

Alors que commence la renégociation de l’ALÉNA, où le Canada ne pourra jamais aller plus bas que les 3,25% de son marché laitier déjà concédé dans le cadre du défunt Partenariat transpacifique, ce sont des coups très durs pour notre secteur laitier si important pour l’occupation du territoire.

Mais le pire est peut-être dans la manière.  Nous savons que les producteurs laitiers n’ont plus le poids politique qu’ils ont déjà eu, mais de là à les traiter comme le fait le gouvernement fédéral, on peut se demander s’il s’agit d’inconscience ou de mépris.

De quelque 4 milliards de dollars promis par le gouvernement Harper pour faire passer la pilule de l’AECG, le programme d’ajustement est passé sous Trudeau à…. 250 millions.  Comme si cela n’était pas assez, les producteurs ont eu à peine une semaine entre l’ouverture du programme et l’épuisement des fonds pour faire leur demande. Il fut un temps où il en fallait moins que cela pour que les tracteurs sortent dans la rue.

Quoi qu’il en soit, la lecture de notre essai, ‘’Une crise agricole au Québec – Vers la fin de la ferme laitière traditionnelle’’, est malheureusement plus d’actualité que jamais.

 

Simon Bégin, porte-parole de l’Institut Jean-Garon

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